Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HETAIRÈSEOS GRAPHÈ

HETAIRÈSEOS GRAPHÈ

IIETAIRÈSEOS GRAPIIÈ ('ETatpi,romç ypacpr). En principe, la pédérastie, active ou passive, n'était pas punie par les lois répressives d'Athènes. Le majeur, qui se prostituait librement, sans se faire payer ses honteuses HET complaisances, n'encourait aucune peine; il était seulement justiciable de l'opinion publique, très indulgente d'ailleurs pour une telle immoralité. Il semble même que la pédérastie salariée n'était pas un délit, lorsque le patient était un étranger. Un citoyen, poursuivi devant l'Aréopage pour tentative de meurtre, avoue qu'il payait les faveurs du jeune Platéen avec lequel il avait des relations peu convenables, et il ne croit pas que ce fait l'ait rendu indigne de l'estime de ses concitoyens'. Son adversaire, Simon, ne craignait pas d'affirmer qu'il avait, de son côté, fait, au prix de trois cents drachmes, avec le jeune Platéen, une convention, qui lui donnait un droit exclusif, que l'accusé aurait dô respecter2. Voilà, sans doute, pourquoi Eschine, dans son réquisitoire contre Timarque, demande aux juges d'infliger des peines si rigoureuses qu'elles terrifient les pédérastes tentés de s'adresser aux jeunes Athéniens. Les chasseurs de jeunes hommes faciles à induire en tentation seront ainsi obligés de limiter leur chasse aux étrangers et aux métèques; sans renoncer à leurs mauvaises habitudes, ils deviendront moins nuisibles à la République 3. Pour qu'il y dit délit, il fallait que le pacte immoral, le louage de la personne, la pt(a00oetç, eussent pour objet un citoyen'. Le majeur qui trafiquait ainsi de sa personne encourait, par cela seul, de plein droit, une sorte de dégradation civique. Il devenait incapable de remplir aucune magistrature ; il ne pouvait plus parler en public, soit devant le Sénat, soit devant l'assemblée du peuple '; l'accès des temples lui était interdit' ; défense lui était faite de mettre en mouvement une action publique 7. Si, ne tenant aucun compte de ces incapacités, il exerçait l'un des droits dont le législateur l'avait dépouillé, il était exposé à une action publique, l'ETatp6'ECJ; ypxcpli, sans préjudice de l'É7c2yyo),(x ôoxtp.zc(a;, dans les cas particuliers où cette procédure était applicable. L'agent, le pédéraste, encourait-il les mêmes déchéances que le patient? Était-il, comme ce dernier, exposé à l'ÉTatp-flenuç ypacpii, s'il exerçait tous les droits attachés à la qualité de citoyen?La question est controversée. Le locateur ne doit-il pas être, comme le dit Platner 6, traité comme tout coauteur d'un délit? M. Thonissen estime que les deux coupables encourent les mêmes déchéances légales 9, et il en trouve la preuve dans ce texte d'Eschine : « Il est, écrit dans les lois que celui qui loue un citoyen pour de tels actes et celui qui se prête à cette location sont tous les deux également traités et punis des peines les plus rigoureuses f0 ». Mais il n'est pas impossible pourtant que l'opinion publique, à Athènes, ait fait, pour la prostitution masculine, une distinction analogue à celle que l'on rencontre encore aujourd'hui pour la prostitution féminine. Pour les HET 158 HET patients, la honte, la mise hors la loi; pour les agents, une grande indulgence. L'lTatprlaewç ïixei r'l, dirigée contre ceux qui ne tenaient pas compte de leurs incapacités légales et exerçaient les droits dont ils étaient, ipso jure, dépouillés, appartenait à l'hégémonie des Thesmothètes'. L'accusé reconnu coupable par le jury était puni de mort'. Voilà pour les majeurs, maîtres de leurs personnes et responsables de leurs actes. Pour les mineurs, la loi avait édicté des dispositions spéciales, en vue de les protéger contre les dangers de corruption auxquels ils étaient exposés. « Si un père, un frère, un oncle, ou quelque autre personne ayant pouvoir sur un enfant, livre, à prix d'argent, cet enfant à un pédéraste, 1%,r eEwç ypay-1, ne pourra pas être intentée contre l'enfant'. » Mais les deux contractants qui auront trafiqué de la personne du mineur seront exposés à une action publique, rentrant dans l'hégémonie des Thesmothètes. Cette action était-elle l sTcep-ilcEwç ypatpi ? Portait-elle un nom spécial, celui de ypapri Eïç érx(prinv l1.ta0wrtwç? La question est sans importance. Ce qui est certain, c'est que les deux délinquants étaient, l'un et l'autre, condamnés à des peines rigoureuses. Ces très grandes peines étaient-elles déterminées par la loi ou abandonnées au libre arbitre des juges'? La question est controversée. Eschine dit seulement que le xupte de l'enfant et le pédéraste doivent être traités de la même manière 6. L'enfant, avons-nous dit, échappe à toute poursuite criminelle ; mais il est cependant, de plein droit, dégradé. Il ne pourra pas monter à la tribune ; il sera, suivant toute vraisemblance, indigne d'exercer aucune magistrature. S'il ne tient pas compte de cette atimie, on lui appliquera les règles du droit commun, dont les sanc tions sont moins rigoureuses que celles de l'ï;Txtptrswç ypatp r. Sa condition est donc préférable à celle du majeur; mais il y a cependant une dégradation civique. Par compensation, et en haine de ceux qui, au lieu de le protéger contre les corrupteurs, l'ont eux-mêmes corrompu, il sera exonéré de toutes les obligations dont les enfants sont habituellement tenus envers leurs parents. Il n'y aura plus pour lui devoir de secours ou d'assistance, plus d'obligation alimentaire. C'est à peine s'il sera tenu du devoir de sépulture et des honneurs funèbres'. Dans l'exposé qui précède, nous avons plusieurs fois parlé de prostitution à prix d'argent. Ces mots appellent une courte explication. Le mot prostitution, dans notre pensée, ale sens large d'abandon à l'impudicité. Nous ne croyons pas, en effet, que la loi athénienne ait fait une distinction entre le misérable qui trafiquait publiquement de son corps en se louant aux premiers venus (7e6pvoç) et celui qui se mettait aux gages d'un seul amant10. D'un autre côté, nous croyons que, aux prix fixés en argent comptant, on devait assimiler les prix payables en objets précieux. Le législateur avait-il pu faire une différence entre ceux qui exigeaient comme salaire quelques pièces de monnaie 1l et ceux qui demandaient un beau cheval ou des chiens de chasse? Chrémyle trouvait ces derniers plus honnêtes; mais Carion lui répondait avec raison que l'honnêteté ne consiste pas à masquer sous un mot moins choquant un acte réellement infâme ". Les juges n'auraient pas été bien embarrassés pour reconnaître la fraude, et pour discerner de ceux qui voulaient avant tout s'enrichir (âpyéptou zxp(v), ceux qui n'avaient d'autre mobile que la satisfaction à donner à une affection pervertie (É.pxeTiov y4tv)13. Certains présents, sans grande valeur, pouvaient être considérés comme de simples témoignages d'affection; d'autres étaient réellement le prix, le salaire de la honte. lleffter était d'avis que l''eTxtprinEwç ypx:p-t avait dû vraisemblablement servir à la répression du proxénétisme t/, c'est-à-dire de tous ces actes, plus ou moins bien caractérisés par les criminalistes modernes, que nos anciens auteurs comprenaient sous la qualification de maquerellage. Mais l'excitation à la débauche des jeunes gens ou des jeunes filles, en vue de satisfaire les passions d'autrui, donnait ouverture à une action publique spéciale, la 1Tpoxy0ye(aç ypxt-i,'°, qui était de la compétence des Thesmothètes, et qui, au moins à l'époque classique'', exposait les accusés à la peine de mort. A quoi bon offrir au poursuivant une autre action tendant au même but"? IIETAII4IAI (`lirsip(at), -Associations formées dans un but politique, c'est par là qu'elles diffèrent des Ëpavot et des ()Caget, associations civiles et religieuses. Aristote' attribue la formation de ces sociétés aux excès de la démagogie et aux délations des sycophantes, comme à Rhodes et à Chies. A Athènes, les nobles repoussés des honneurs, menacés dans leurs biens et dans leurs droits de citoyen, s'unirent par serment pour se protéger devant les tribunaux et arriver aux magistratures. C'est ce qu'indique la périphrase par laquelle Thucydide les oligarchiques jouèrent un rôle important dans la révolution qui donna le pouvoir aux Quatre Cents. Après la chute de ce gouvernement, ces associations persistèrent non seulement à Athènes, mais dans toutes les villes alliées on Athènes avait établi la démocratie. Elles triomphèrent avec les Lacédémoniens, à Samos, à Milet, à Athènes3. Lysandre choisissait les magistrats, non d'après leurs mérites ou leurs richesses, mais d'après les indications de ces hétéries. Les Trente Tyrans appartenaient à ces sociétés 4. On y prêtait, dit-on, le serment de faire au peuple le plus de mal possible, et les Trente tinrent leur serment'. Sur le tombeau de Critias, on avait sculpté l'Oligarchie tenant une torche et brûlant la démocratie ; au-dessous était cette incription : C'est le tom beau des hommes de bien qui, pendant quelque temps, réprimèrent les injures du peuple exécrable d'Athènes : La démocratie, instruite par leur tyrannie du danger de ces associations, les interdit, et on ajouta à la loi d'EIsACSE IIET 459 IIET LIA ce nouveau crime : sI TtçsTatptxov cuvayzy-;i, si quelqu'un forme une association pour le renversement populaire'. Il est probable que, dans plus d'une ville, il se forma des associations oligarchiques du même genre. Par exàmple, à Atarné, le célèbre tyran Hermias était le chef d'une hétérie. Dans un traité avec Erythrm, ils sont appelés `Eplctxç rxi si ËTxtpot 2. En Crète, au contraire, les iTxtp(xt existaient régulièrement. A Lyttos, tous les citoyens étaient répartis en hétéries, que l'on appelait âvôpsicc . Pour deux autres villes crétoises, Dréros et Malta, les inscriptions font mention de ces associations Enfin la loi de Gortyne montre qu'elles existaient au y° siècle et qu'elles avaient un caractère analogue à celui de la phratriaathénienne. « L'adoption se fera sur l'agora, en présence des citoyens assemblés. L'adoptant donnera à son hétérie une victime et une mesure de vin. » L'inscription parle aussi d'un juge des hétéries. Faire partie de l'une de ces associations était donc la marque du droit de cité et assurait la participation aux banquets communs. Les non-citoyens, comme les étrangers domiciliés et les affranchis, sont désignée dans la loi de Gortyne par le terme de âréTxtEst'. P. FOUCART.